Pour la période des fêtes de fin d’année, je suis rentrée en France, comme je l’avais promis à mes proches. Mine de rien, ce petit retour n’est pas toujours si simple quand on est en plein PVT. Récit.
J’avais pris la décision de rentrer à Noël avant même d’être partie au Canada. Une sorte de promesse auprès de mes proches pour rendre la séparation un peu plus douce. Histoire, aussi, d’avoir un point de mire à l’horizon, me rassurant lors du jour du départ. Lorsque j’étais partie au Japon, je n’étais pas rentrée du tout, mais je savais que je n’allais y rester qu’un an. Pour ce qui est du PVT Canada, c’était beaucoup plus flou.
Allitération en D : les doutes du départ en décembre
Mi-décembre, à l’approche du départ vers la France, je balisais un peu. J’avais, honnêtement, envie de rester à Whistler. J’étais dans une bonne dynamique, je m’y sentais bien, bien plus que ce que j’espérais quelques mois auparavant. J’appréhendais le retour pour plusieurs raisons. Le fait que ma ville natale ait été touchée par des attentas quelques jours avant mon retour n’a pas aidé, évidemment. Mais je savais aussi que cela me ferait du bien de revoir mes proches. Que cela me permettrait de prendre un peu de recul et de faire le point.
Première étape : départ pour Vancouver le 13 décembre. Une fois n’est pas coutume, j’ai eu droit à un accueil de reine chez Philippe, et cela m’a fait beaucoup de bien. Plutôt que d’être dans un dortoir ou une chambre peu accueillante, à ruminer, je me suis sentie comme chez moi, avec un délicieux repas maison. Merci Philippe et Helene pour votre accueil, une fois de plus. Cela a rendu la transition plus douce.
D’Ouest en Est, un peu à l’Ouest
Me voilà à l’aéroport de Vancouver. Bon, je suis moins stressée que ce que je pensais. Les choses sont plutôt fluides. Je prends un petit déj’ au Tim Hortons histoire de faire dans le cliché canadien juste avant de partir. 😉
Premier vol de plus de 4 h jusqu’à Montréal, qui est finalement passé assez vite. Non pas parce que j’ai dormi (même si mes yeux étaient biiiiien pesants), mais parce que j’ai papoté avec mon voisin pendant presque tout le long. Un monsieur, la cinquantaine, originaire du Mexique mais habitant à Montréal depuis de nombreuses années. Différences entre peuples latins et anglo-saxons, situation avec les cartels au Mexique, envies de voyage,… Beaucoup de sujets de conversation ont été abordés durant ces 4 heures. Avec une petite phrase qui m’a marquée. Quand je lui parle de ma situation actuelle, mon interlocuteur me répond « Il y a la maison et il y a chez soi ».
Nous arrivons. « Bienvenue à Montréal, où la température actuelle est de – 16 degrés. » Ah oui, quand même. Enfin, un petit -16°, c’est rien pour eux.
Flashback à l’aéroport de Montréal
Et hop, me revoilà à l’aéroport Trudeau de Montréal. Petit flashback. Je me revois assise à cet endroit précis, il y a quasiment 6 mois de cela. Je ne savais pas du tout ce qui allait m’attendre. J’étais là, seule avec ma petite valise, à me demander un peu où j’allais. Cette sensation m’envahissait à nouveau, mais cette fois-ci, dans l’optique de rentrer chez moi. Enfin chez moi… « Il y a la maison et il y a chez soi », n’est-ce pas.
Moment doux au cœur du terminal d’aéroport : un piano à queue, un monsieur, bien habillé, qui entame la magnifique « Comptine d’un autre été » , de la B.O. d’Amélie Poulain. Un moyen de me réhabituer doucement à Paris ? Peut-être. Je reprends le même repas, dans le même restau, qu’il y a 6 mois. Petit clin d’œil à moi-même j’imagine.
Je remarque les français dans l’aéroport. Il y a quelque chose qui fait qu’on se distingue. Je ne sais pas si c’est le look, ou l’air un peu plus blasé haha. Bref, je comprends pourquoi les gens disent parfois « Vous avez l’air français ». Assise sur mon siège dans le terminal, je me réjouis de revoir mes proches. J’ai un petit pincement au cœur en voyant que 50cm de poudreuse sont tombés à Whistler cette nuit. Powder day comme on dit.
Je fatigue et regarde des tutoriels pour skier en poudreuse haha.
Je me dis aussi que c’est l’une des meilleures choses qui me soient arrivées de partir au Canada. Peu de fois on se dit : Stop. Pause. Là, je suis vraiment heureuse. Et je le ressens. Comme une vague qui envahit mon corps et mon esprit. Un petit frisson de bonheur. Parce que je suis à ma juste place à ce moment de ma vie. J’ai le sentiment de vivre en accord avec qui je suis. Waouh. Ca fait un bien fou.
Second vol de 6 heures et quelques. L’objectif était d’essayer de dormir, pas vraiment atteint. Position trop inconfortable, repas à des horaires un peu improbables… Mais bon, malgré tout, ça passe. On allume le téléphone, on checke les nouvelles (oh noon il neige à fond à Whistler). La douane passée, je trouve rapidement mon sac sur le tapis roulant, ouf (on l’a tous, ce petit moment de suspens/stress hein).
De l’art d’être une touriste dans son propre pays
Voilà, je me sens comme une touriste à Paris, à acheter mon petit ticket de RER excessivement cher au lieu de recharger ma fidèle carte Navigo, qui dort sagement dans un tiroir en Alsace. Je suis épuisée, mais la météo est accueillante. Froide certes, mais un bon froid de jour d’hiver, avec un beau soleil qui caresse le visage. Direction le RER B. Je parle avec la femme en face de moi, qui a l’air de pas mal voyager pour son travail. Elle m’avait l’air un peu revêche au premier abord, mais j’ai décidé d’adopter ici, dans mon propre pays, le même comportement que j’ai eu durant tous ces mois au Canada. On tente, on discute, et au pire on se prend un vent. Il faut croire que ça a plutôt bien fonctionné.
Sortie à Port Royal. Paris. Bizarre d’être ici forcément, moi qui vis désormais dans une maison entourée par les arbres et à deux pas de la montagne. Mais en même temps, j’ai un sentiment d’amour pour mon pays, pour cette ville qui m’a tant fait vivre de choses durant ces dernières années. Du bon et du mauvais, mais du vécu, c’est sûr. J’ai toujours aimé ces beaux jours d’hiver. Je vois une jolie devanture avec des pains au chocolat. Je souris. J’ai hâte de manger mon premier pain au chocolat depuis de nombreux mois.
Je me force à ne pas tomber de sommeil et à ne pas faire ma nuit en plein milieu de journée ici. Difficile. Une petite sieste s’impose tout de même. Je décide de sortir me promener un peu dans le quartier. Et contrairement à ce que j’appréhendais, je n’ai pas de sensation de rejet ou de panique. Je suis plutôt contente d’être là. Le sentiment est un peu étrange : l’endroit m’est familier, j’en connais les codes, les rues, les habitudes. Mais je les observe bien différemment. Avec pas mal de recul et un œil neuf. Je suis une touriste locale. J’observe les gens, les choses qui ont changé. Je suis étonnée de voir un peu partout des trottinettes électriques à emprunter, à l’instar des vélos. Tiens, voilà donc une des nouveautés depuis mon départ. Je trouve aussi que les gens s’observent beaucoup plus que là d’où je viens. Je croise beaucoup de regards. Ca me déstabilise un peu mais ça me fait rire aussi. Je trouve aussi les gens stylés. Habillés non pas de manière extravagante comme on peut le voir à Londres ou à Tokyo, mais avec une sorte de simplicité élégante que je ne remarquais pas forcément en habitant ici.
La folie parisienne. Cette folie douce qui m’est familière. Je ressens quelque chose de positif au fond de moi. Elle est belle ma ville. Vivante, intense et bordélique. Mais je le sais et je ne l’oublie absolument pas : je n’aimais plus la vie que j’y avais, et je n’y étais plus heureuse.
Lost in traduction
Le lundi, j’ai un coup de mou. Le petit coup de blues. Je perds un peu pied. A tel point que je me fais des réflexions en anglais dans ma tête. Absolument pas pour frimer (omg je suis trop bilingue tavu), mais quand on est immergée dans une langue H24, le cerveau prend vite des habitudes. « I have no idea what I’m doing here ». Je suis paumée. Paumée chez moi, dans mon propre pays, dans la ville où j’ai passé 5 ans. Pfffiou. Un pincement au cœur en voyant les quantités de neige fraîche qui tombent à Whistler. Qu’est-ce que je fais ici ?
Je pense que le fait de rester trop connectée à son nouveau lieu de vie via les réseaux sociaux n’aide pas. On garde un pied trop ancré dans l’endroit dont on vient de partir. Au lieu de se concentrer sur l’instant et le lieu présent. Je vois les conversations de groupe à Whistler, où je reste une spectatrice passive. Finalement, je crois que je suis atteinte de cette « Fear of Missing Out » (abréviée en FOMO par les fans d’acronymes) qui est parfois dure à gérer. Apprendre à accepter qu’on ne puisse pas être à deux endroit à la fois, et qu’en fait, c’est très bien comme ça.
Et apprendre à accepter que parfois, on a un moment de faiblesse. Je me reprends rapidement. Je profite des moments avec les gens qui ont fait ma vie ces dernières années.
Je revois les amies. Les collègues de mes différents jobs. Je suis heureuse de revoir toutes ces personnes. Et je suis contente parce que quand je leur dis que je suis heureuse dans ma vie maintenant, je me sens honnête. Honnête avec moi-même, honnête avec eux.
Parfois, j’avoue, je compte les jours qui me séparent du retour. Un peu comme un réflexe. Ce qui ne m’empêche pas de profiter des joies culinaires de la capitale :
Cap un peu plus à l’Est : l’arrivée en Alsace
Après une semaine à Paris, retour en Alsace. Dans le TGV, je discute avec une fille qui revient elle aussi du Canada, pour un trimestre d’études. Encore une fois, j’ai l’impression d’appliquer, chez moi, le nouveau tempérament que j’ai construit au fur et à mesure de mon aventure au Canada. Je ne me suis jamais considérée comme timide, mais c’est apparemment parfois l’image que je peux renvoyer. Depuis ce voyage, je pense que cela s’est vraiment avéré faux. Je parle très facilement aux inconnus, et je trouve ça agréable. Cela me fait aussi réaliser concrètement ce que j’avais déjà pu apercevoir par le passé : à quel point notre propre attitude influence ce qui se passe autour de nous. Quand j’étais stressée à Paris, énervée par ma vie quotidienne, ce que les autres me renvoyaient était à la hauteur de mon propre état d’esprit. Alors que là, oui j’ai fait face à quelques incivilités et comportements désagréables, mais l’impact sur mon humeur n’était absolument pas le même que par le passé.
Le lendemain, je suis retournée dans mon collège. J’y ai fait une petite présentation devant deux classes de 3ème, dans le cadre de leur cours d’anglais. L’occasion pour moi de leur parler de mes différents voyages, avec un focus sur mon expérience au Canada, illustrée de pas mal de photos. J’appréhendais un peu de me retrouver face à un public d’ados, mais tout s’est très bien passé. J’étais heureuse de voir à quel point les élèves étaient attentifs et les nombreuses questions qu’ils souhaitaient me poser. A travers cette présentation, j’ai essayé de faire passer plusieurs messages : il ne faut pas avoir peur de voyager seule, ne pas penser que les expériences à l’étranger sont réservées aux personnes qui ont fait de longues études (pas de critères de sélection pour les PVT par exemple), et certes, voyager demande d’avoir un peu d’argent de côté et n’est pas donné à tous, mais il faut aussi connaître ses priorités (le dernier iPhone qui coûte plus qu’un billet d’avion pour Vancouver est-il vraiment nécessaire ?)
Je sens des boums et des bangs agiter mon cœur blessé, le retour comme un boomerang, me rappelle les jours passés… (oui, adaptation personnelle de cette fameuse chanson)
Noël arrive. Les proches. Le chat au coin du feu. Prendre le temps d’écrire. De trier quelques affaires. De dormir le matin.
Par moment, je compte à nouveau les jours jusqu’à mon départ. Mais cette fois, en me disant que mince, ça va arriver vite. Les sentiments se mélangent.
Certaines choses simples me font remarquer des habitudes qui ont changé. Les vêtements notamment. Je me retrouve devant mon armoire, et je vois que j’ai beaucoup d’habits. Forcément, j’ai dû réduire à un minimum pour partir en voyage, alors devant autant de choix, je suis surprise. Cela m’aide aussi un peu à faire le tri. Tiens ça, je peux le donner. Ca aussi. En termes de style également, je mets ici en France des habits que je ne mettrais pas à Whistler. Je reprends mon petit manteau cintré, mes bottes de ville. J’ai un peu l’impression de me déguiser ! Mais en même temps, j’apprécie de me refaire un peu « plus chic » qu’à mon habitude.
Je vois des images de station de ski à la télé. J’éprouve un petit pincement au cœur, surtout quand je vois les quantités de neige qui sont tombées à Whistler depuis mon départ.
L’heure du retour au Canada arrive. Finalement, les au revoir de début janvier furent plus compliqués que le jour du « vrai » départ, en juin dernier. Pourquoi donc ? Parce qu’en juin, je savais que j’allais revenir à Noël, que si ça ne me plaisait pas, je reviendrais en France… Là, c’est un peu plus flou. On se questionne. Partir, c’est évidemment renoncer à certaines choses précieuses. Pas y renoncer complètement, non, on garde ses amis, sa famille, mais on n’est pas aussi présent qu’on souhaiterait parfois l’être.
Me voilà de retour à Vancouver, accueillie par ma nouvelle « famille » canadienne, chez Philippe. Puis le bus vers Whistler, la neige. Les colocs qui sont là pour vous chercher. Les doutes. Les sourires. Les aspects de Whistler que tu aimes : les gens qui se parlent facilement, le sentiment de communauté .
Puis, quelques jours de transition assez difficiles pour plusieurs raisons. La fatigue, les questionnements, le choc émotionnel entre les deux vies si différentes. Les pensées quant à l’après. Bref, I’m back.
Au final, ce retour d’un peu moins d’un mois aura eu le mérite de remettre les choses au point, de me permettre de prendre du recul. Savoir ce qui compte pour moi ici. Là-bas. Pourquoi je suis partie. Pourquoi je sais que j’ai fait le bon choix. Savoir que peu importe où je suis, j’ai la chance d’avoir des gens que je peux revoir à chaque fois, des liens que j’ai construits par le passé qui ne sont pas effacés par les kilomètres. Parfois, c’est dur : se questionner sur les choix à venir, remettre certaines choses dans la balance, penser aux différents chemins de vie. Mais ça fait partie du jeu.
J’ai connu ça aussi à mon retour du Canada : ce sentiment étrange de redécouvrir les endroits de notre ancien quotidien, l’impression de ne plus faire partie de ce monde là, de faire partie de « là-bas ». Lorsque l’on se reverra, je t’offrirai « L’étudiant étranger » de Philippe Labro.
PS : Tim Horton, c’est le mal !!!